Maroc : quand le tatouage remplace (tout doucement) le henné

Maroc – Être tatoueur et tatoué au Maroc n’est pas de tout repos. Entre la loi et le jugement des anciens, les critiques sont nombreuses. Mais l’horizon s’éclaircit pour...
Le 7 juin 2016

Maroc – Être tatoueur et tatoué au Maroc n’est pas de tout repos. Entre la loi et le jugement des anciens, les critiques sont nombreuses. Mais l’horizon s’éclaircit pour les aficionados du tatouage qui vivent au Maroc.

Le tatouage est un art ancestral pratiqué au sein des civilisations les plus anciennes. Au Maroc, les femmes berbères utilisaient le tatouage au henné lors des cérémonies familiales : elles marquaient un événement important dans la vie d’une femme (la puberté, le mariage ou le premier enfant). Le tatouage au henné a toujours été réservé aux femmes.

 

Tatouage henné mains

Tatouage ornemental traditionnel au henné.

 

Le tatouage au henné est réalisé avec une pâte onctueuse obtenue grâce au mélange de l’henné (feuille séchée) et d’un verre de thé. Le tatouage au henné est temporaire : il s’estompe après 3 semaines. Aujourd’hui, son utilisation n’est pas restreinte aux cérémonies familiales. En effet, les femmes utilisent ces tatouages ornementaux pour s’embellir.

 

Tatouage au henné pieds

Tatouage ornemental traditionnel au henné.

 

Le tatouage au henné n’est plus connoté religieusement, même s’il est toujours utilisé durant les cérémonies de mariage. Aujourd’hui, le henné est démocratisé au-delà des pays orientaux : les célébrités utilisent ce procédé et les touristes adorent arborer un joli tatouage ornemental qui s’effacera à la fin des vacances.

 

Tatouage henné Madonna

Madonna tatouée au henné.

 

Tatouage henné touriste

Touriste tatouée au henné par une marocaine.

 

Avant l’arrivée de l’Islam au Maroc, les femmes berbères étaient tatouées au front, au menton, aux joues et aux mains : ces tatouages traditionnels était permanents. Les nouvelles générations ne pratiquent plus ces tatouages et ces tatouages traditionnels tendent à disparaître.

 

Tatouage berbère traditionnel

Vieille femme berbère aux tatouages (permanents) traditionnels.

 

Désormais, le Maroc est un pays musulman. Là-bas, l’art du tatouage est interdite par la religion.

 

Tatouage marocain permanent mosquée

 

Dans la Sourate 4 – Verset 199 du Coran, la modification corporelle est condamnée : « Certes, je ne manquerai pas de les égarer, je leur donnerai de faux espoirs, je leur commanderai, et ils fendront les oreilles aux bestiaux ; je leur commanderai, et ils altéreront la création de Dieu. Et quiconque prend le Diable pour allié au lieu de Dieu, sera, certes, voué à une perte évidente. » Etant une modification corporelle, le tatouage est condamné.

Dans les Hadiths, récits rapportés et transmis par les paroles du prophète, l’art du tatouage est nommé et condamné, également : « Dieu a maudit celles qui se tatouent, celles qui tatouent, celles qui s’épilent le visage, celles qui liment leurs dents pour les séparer afin de paraître belles, celles qui procèdent dans le but de changer la création de Dieu. »

 

 

Malgré l’interdit religieux, certains marocains deviennent tatoueurs. D’autres marocains se font piquer la peau.

 

Tatoueur marocain clandestin

Un tatoueur qui se tatoue sans respecter les conditions d’hygiène, faute de moyens.

 

 

L’art du tatouage est haram (illicite) mais certains tatoueurs ou tatoués réussissent à esquiver l’interdiction par une interprétation personnelle du terme : le tatouage serait haram mais il n’est pas interdit par la loi, malgré la condamnation religieuse. Malgré l’interdit, le business du tatouage continue à se développer. Malheureusement, la plupart des tatoueurs reconnus exercent une profession catégorisée comme « libérale non réglementée » compliquant son exercice.

 

Tatoueur qui tatoue

 

Ce développement est favorisé par l’installation des tatoueurs étrangers au cœur des grandes villes marocaines. L’ouverture d’un shop est favorisée pour les étrangers qui ciblent, essentiellement, les touristes, même s’ils ne refusent pas de tatouer les habitants locaux.

Les tatoueurs marocains et musulmans, eux, sont freinés dans leurs démarches administratives. Parfois, ils n’obtiennent aucun statut légal auprès de la Chambre des Commerces. Pour certains, l’ouverture d’un shop est quasi-impossible sans la collaboration d’un tatoueur occidental.

Les tatoueurs qui ne parviennent pas à obtenir un statut légal exercent l’art du tatouage clandestinement. Malgré une volonté d’hygiène, l’absence d’une législation établie sur les conditions sanitaires et la responsabilité, pose un problème aux tatoueurs et aux tatoués.

Certains tatoueurs exercent à domicile mais les conditions d’hygiène peuvent être déplorables. D’autres tatoueurs évoluent à l’intérieur d’institut de beauté où l’exercice du tatouage n’est pas ostentatoire. Ces tatoueurs dissimulent le tatouage derrière la beauté et l’esthétique.

 

Maroc tatouage main de Fatma dos

Tatouage de la main de Fatma.

 

La majorité des tatoueurs reconnus se fournissent dans les pays occidentaux (France, Etats-Unis ou Royaume-Uni) pour assurer la qualité du matériel utilisé. De plus, les livraisons du matériel de tatouage serait difficile au Maroc, selon certains tatoueurs. Cependant, la plupart des tatoueurs clandestins fabriquent eux-mêmes leurs outils ne garantissant pas une hygiène irréprochable.

 

Maroc Dermographe

Un dermographe standard permettant de tatouer la peau.

 

Malgré l’interdit religieux, certains marocains musulmans tatouent, plus ou moins légalement. Cependant, certains restent soumis aux textes religieux : ils peuvent refuser de tatouer certains endroits ou certains tatouages considérés comme haram. Quelques tatoueurs penseraient à stopper leurs activités à cause des interdits religieux.

 

Maroc Tatouage arabe

 

Malgré le développement de l’art tattoographique au Maroc, les tatoueurs et les tatoués continuent d’être victimes du jugement des autres. Pour les anciens, le tatouage est honteux. Pour les jeunes, le tatouage est moderne et tendance. Les mentalités commencent donc à évoluer en faveur des encrés.

 

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