Whang-Od, la tatoueuse la plus âgée du monde

À 104 ans, Whang-Od est la dernière tatoueuse traditionnelle philippine. Depuis son petit village niché au cœur des montagnes et de la nature verdoyante de la province de Kalinga,...
Le 7 juin 2021

À 104 ans, Whang-Od est la dernière tatoueuse traditionnelle philippine. Depuis son petit village niché au cœur des montagnes et de la nature verdoyante de la province de Kalinga, elle détient entre ses mains un art ancestral qui attire les visiteurs du monde entier, prêts à se lancer dans un long périple pour se faire tatouer par cette légende vivante.

Whang-Od, gardienne du tattoo traditionnel Kalinga

Maria Oggay, surnommée Whang-Od, voit le jour en février 1917 dans la province de Kalinga au centre de l’île de Luçon située au nord de l’archipel des Philippines. Fille de mambabatok – comprenez « tatoueur » en Tagalog – c’est son père qui lui enseigne l’art du tattoo dès l’adolescence. Extrêmement douée, son talent n’échappe pas aux habitants du village. Rapidement, elle en devient la tatoueuse numéro un et fait progressivement parler d’elle dans les villages voisins. Avec sa silhouette fluette, son regard rieur, son décolleté et ses bras entièrement couverts de motifs indélébiles, Whang-Od est l’une des rares femmes mambabatok et la dernière maitre tatoueuse de la tribu Butbut. Depuis plusieurs années, sa notoriété a dépassé les frontières de Buscalan, son village natal où elle vit encore aujourd’hui et tatoue depuis plus de 80 ans.

Le tatouage Kalinga : bien plus qu’un art

À la fois esthétique et symbolique, le tatouage Kalinga permet de graver en soi les différentes étapes de sa vie. À l’origine, pour les hommes, la tradition voulait que chaque guerrier qui tuait un ennemi au combat en le décapitant se fasse tatouer un aigle sur le torse. Pour les femmes, une fois arrivées à l’âge de la puberté, il était pour coutume d’orner leurs bras afin de les rendre plus séduisantes aux yeux des hommes. C’est ainsi qu’à 15 ans, Whang-Od se fait tatouer de divers motifs sans signification sur ordre de son père, simplement pour attirer l’attention de potentiels futurs maris.

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Une technique ancestrale

Qui dit tatouage ancestral dit méthode et matériel à l’ancienne. Whang-Od utilise des épines d’arbres fruitiers – type oranger ou pamplemoussier – en guise d’aiguilles, un bâton en bois de caféier qui fait office de marteau, des lingettes en tissu et du charbon de bois mélangé à de l’eau pour l’encre. Sa technique de tattoo traditionnel à la main appelée Batok consiste à tremper l’aiguille dans l’encre de charbon puis de faire pénétrer cette mixture indélébile profondément dans la peau en frappant assez énergiquement l’épine avec le marteau en bois. Pour éviter les mauvaises surprises, le motif choisi est dessiné au préalable sur le corps. Cette technique ancestrale est longue et douloureuse : impatients et douillets s’abstenir ! Par ailleurs, la palette de motifs est typique mais assez limitée. On retrouve bien évidemment les motifs tribaux et animaliers mais aussi des formes simples et géométriques telles que les écailles de serpent qui symbolisent la sécurité, la santé et la force, l’échelle pour la solidité et la robustesse ou encore le mille-pattes pour se protéger.

Chaque année, des milliers d’admirateurs parcourent plus de 15h de route depuis Manille avant de traverser forêt et rizières à pied pour rencontrer et se faire encrer par l’héritière de cet art millénaire. N’ayant pas eu d’enfants, Whang-Od était, il y a quelques années encore, très préoccupée à l’idée que son art puisse disparaitre avec elle. En effet, la technique du batok se transmet traditionnellement des parents aux enfants. Pour la bonne cause, l’artiste a donc fait une petite entorse au règlement en enseignant son savoir-faire à ses deux arrières petites nièces. Vous pouvez donc souffler, la relève est assurée !

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