Maud Stevens Wagner, virtuose du trapèze et de l’aiguille

Pionnière du tatouage moderne, Maud Stevens Wagner a contribué à la féminisation du tattoo et du métier de tatoueur. Cassant les codes et brisant les tabous de cet univers...
Le 9 septembre 2022

Pionnière du tatouage moderne, Maud Stevens Wagner a contribué à la féminisation du tattoo et du métier de tatoueur. Cassant les codes et brisant les tabous de cet univers resté trop longtemps réservé aux hommes, elle devient au début du siècle dernier la première femme tatoueuse professionnelle des Etats-Unis. Artiste et icône féministe, elle a marqué l’histoire du tatouage à l’encre indélébile. Portrait.

Maud Stevens Wagner : Du cirque au tattoo

Avant Emy, Mélissa ou Ruby, il y a eu Maud. Née en 1877 au Kansas, la jeune Maud Stevens passe son enfance dans la ferme familiale. Pas très excitée à l’idée de mener une vie bien rangée de femme au foyer, elle choisit la voie artistique en devenant trapéziste et contorsionniste de cirque. Talentueuse et remarquée, elle se produit dans les plus grandes foires à travers tout le pays.

De passage à Saint-Louis en 1904 à l’occasion de l’Exposition Universelle, elle fait la rencontre qui va faire voltiger sa vie d’acrobate : Gus Wagner, aka « l’homme le plus tatoué du monde » comme il se surnommait modestement. Après avoir parcouru les océans pendant plusieurs années, ce marin globetrotteur a regagné la terre le corps couvert de tatouages. Avec plus de 200 motifs, il est une véritable attraction pour les visiteurs qui le regardent avec autant de curiosité que l’homme à trois jambes ou la femme à barbe.

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Tombé sous le charme de la jeune artiste, entre deux représentations, il entreprend une opération séduction pour conquérir son cœur. Mais pour Maud, pas question d’accepter un rendez-vous à n’importe quelles conditions. Vierge de tout tatouage, elle ne dira oui à ce premier rencard que s’il lui promet de la tatouer et de lui enseigner son art. Gus accepte le deal et partage avec elle son savoir-faire old school appris lors de ses voyages. Un savoir-faire auquel il ne dérogera pas jusqu’à la fin de ses jours. En effet, alors que le dermographe s’est déjà popularisé, Gus tient à travailler à l’ancienne en utilisant la technique du « hand poked tatto » ou « stick and poke tattoo » autrement dit, l’art de réaliser un tatouage point par point à la main, sans utiliser de machine. Pour son premier motif, Maud débute en douceur en faisant inscrire par son compagnon son prénom sur son bras gauche. Plutôt sage. En savoir plus sur le tatouage prénom.

Tatoueuse professionnelle et figure de proue de l’émancipation féminine

Contaminée par la fièvre du tattoo, elle épouse son Gus en 1907 et met au monde une petite fille, Lotteva, quelques années plus tard. Très vite, son premier tattoo est rejoint par des papillons, des lions, des serpents, des oiseaux, bref, tout un bestiaire au milieu de fleurs et de palmiers qui ont envahi son corps tout entier depuis le cou jusqu’aux pieds. Par ailleurs, Maud Wagner ne se contente plus de l’aiguille de son mari. Elle se tatoue elle-même, abandonne le cirque pour le tatouage et devient alors la première femme tatoueuse américaine reconnue.

Artistes nomades, Maud et Gus parcourent les Etats-Unis pour exposer leurs corps devenus de véritables œuvres d’arts. Si leurs représentations participent à la démocratisation du tatouage, l’enjeu est encore plus important pour Maud qui, dans la société américaine puritaine et conservatrice du début du siècle dernier, mène une véritable petite révolution féministe en osant s’exhiber aux yeux de tous, le corps légèrement vêtu et entièrement couvert de motifs indélébiles.

Mais au-delà de faire le show, les Wagner développent leur activité de tatoueurs itinérants. Malheureusement, si monsieur fait carton plein, pour madame, malgré son immense talent, les clients ne se bousculent pas au portillon. Le tatouage étant principalement une affaire d’hommes à l’époque, il était difficile pour beaucoup d’entre eux de s’imaginer se faire tatouer par une femme… Eh oui, le talent ne fait pas tout et les clichés ont la dent dure. Pour les faire plier, le couple d’artistes décide de ruser. Sur les tracts distribués pour se faire de la publicité, Maud se contente d’être nommée « M. Stevens Wagner » pour attirer les clients, espérant qu’une fois face à son travail, ces messieurs feraient table rase de leurs préjugés.

Devenue une professionnelle reconnue dans le milieu du tatouage, lorsque Gus décède en 1941, elle continue d’exercer son art jusqu’à sa mort, 20 ans plus tard. Pour ce faire, Maud créé un nouveau tandem, 100% féminin cette fois, en transmettant toutes les ficelles du métier à sa fille Lotteva qui lèguera à son tour cet héritage aux générations futures.

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