Tatouage : en route pour l’Inde !

Stéphane Guillerme, auteur du livre L’Inde sous la peau, défend actuellement un projet de financement participatif à propos du tatouage en Inde. Difficile de ne pas être tenté de...
Le 27 septembre 2016

Stéphane Guillerme, auteur du livre L’Inde sous la peau, défend actuellement un projet de financement participatif à propos du tatouage en Inde. Difficile de ne pas être tenté de lui poser des questions par rapport à son engagement total au service de la culture tattoo.

Le tatouage est utilisé par beaucoup d’ethnies en Inde ?
« Le tatouage ethnique est de moins en moins pratiqué en Inde, et il est difficile de définir le nombre précis d’ethnies le pratiquant encore. En sept années, je n’ai pas réussi à le connaître et jamais personne ne s’est encore penché sur ce cela, pas même les anthropologues ! »

Le tatouage possède des significations différentes d’une ethnie à l’autre ?
« Il y a des variations, mais certains éléments renvoyant à l’embellissement du corps, l’identité du groupe et la spiritualité sont récurrents. »

Couple de RAMNAMI - Chhattisgarh

Couple de RAMNAMI – Chhattisgarh

Parmi toutes ces ethnies, laquelle a été pour toi la plus fascinante ?
« Plusieurs groupes m’ont fasciné, étonné. Les Baiga de l’Est du Madhya Pradesh en font partis, assurément. Non seulement car leurs femmes sont les plus tatouées d’Inde, mais aussi pour leur rapport à la terre, à l’écologie. Ils sont des agriculteurs doublés de fins « medicine man ». Les hommes, eux, comme souvent dans le monde « tribal », ne portent aucun tatouage. »

Quels outils sont utilisés pour tatouer ?
« Aujourd’hui de nombreuses ethnies se déplacent sur les « mélas », ces grandes fêtes religieuses où des tatoueurs de rue, en général non-tribaux, pratiquent leur art à même la poussière du sol, sans aucune précaution d’hygiène. Ils connaissent les motifs de ces groupes ethniques, et les tatouent à main levée, à l’aide de machines bidouillées. Dans de rares cas, comme pour les Baiga, une caste spécialisée (les Badi sont les tatoueurs des Baiga) pratique encore à l’aiguille à coudre. Les aiguilles sont attachées entre elles et leur nombre influe sur la largeur du trait à exécuter. Ils tracent le motif sur la peau à l’aide d’un petit morceau de bambou, puis piquent par-dessus, retraçant le motif de temps en temps, à l’aide de ce même bambou. »

Femme BANJARA - Hampi - Karnataka

Femme BANJARA – Hampi – Karnataka

Comment sont fabriquées les couleurs ?
« Généralement, c’est de l’encre de Chine achetée à la papeterie du coin. On y trouve du noir, la couleur la plus courante, mais aussi du vert et du rouge principalement. Ces deux dernières couleurs ressortent plutôt mal sur la peau sombre de la majorité des Indiens. Un tatoueur traditionnel authentique utilisera une encre artisanale réalisée à partir de suie mélangée à de l’eau ou à de l’huile. Si ce tatoueur est dépositaire d’un savoir plus poussé, il réalisera son encre à partir de la suie de plante particulière mélangée à de l’eau. C’est le cas des Badi, tatoueurs des Baiga. Les Badi ont même une manière singulière d’obtenir du bleu. Ils fabriquent l’encre noire dans laquelle ils trempent un petit morceau de bois d’une plante spécifique pour obtenir le lendemain un bleu profond. »

Est-ce que les personnes parlent facilement de leurs tatouages ?
« Tout dépend. Hormis le problème linguistique évident (l’Inde héberge 15 langues et des centaines de dialectes), le problème du genre masculin-féminin est aussi fréquent. Quasiment partout, sauf au Nagaland, le tatouage tribal s’adresse aux femmes. Elles sont très souvent réticentes à parler à un homme, de surcroît étranger. Par contre, une fois en confiance, elles apprécient beaucoup évoquer leur culture, souvent aux abois et dont même leurs propres enfants se désintéressent.»

Femme CHARAN - Dwarka - Gujarat

Femme CHARAN – Dwarka – Gujarat

Comment as-tu fait pour nouer contact ?
« Nouer le contact chez moi est souvent passé par le fait d’y aller au culot, me présentant seul en terrain inconnu. J’accède en général à ces villages reculés en bus, en rickshaw ou parfois et autant que possible à moto. Parfois une personne du village parlant un peu anglais vient à mon secours, parfois je rémunère une personne que je rencontre dans une ville ou un village voisin et qui connaît assez bien l’anglais et la langue locale. »

Ces tatouages traditionnels sont-ils en voie de disparition ?
« Bien souvent ces expressions cutanées ancestrales sont en voie d’extinction. Les « tribaux » sont souvent méprisés par les représentants de la culture majoritaire, principalement hindous ou musulmans. Donc le tatouage, signe identitaire très visible, n’est pas ou plutôt plus encouragé par les parents. Habituellement les personnes « tribales » tatouées ont déjà 40 ans ou plus, bien qu’elles aient été tatouées dès leur jeune âge. Donc dans bien des cas, cette pratique ancestrale a cessé déjà depuis plus de trente ans. »

Femme RABARI - Vers Bhuj - Gujarat

Femme RABARI – Vers Bhuj – Gujarat

 

Tatoueur de rue - Shiva ratri - Gokarna - Karnataka

Tatoueur de rue – Shiva ratri – Gokarna – Karnataka

Image en « Une » : Femme AHIR du Gujarat

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